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  • Lot n° 15 Marie Bashkirtseff (Gavrontsi 1858 - Paris 1884) Caricature de Rodolphe Julian Circa 1878 Huile sur panneau 85,5 x 38 cm Signé en haut à l’encre partiellement effacée sur la baguette horizontale "Mlle Bashkirtseff" Les origines d’une personnalité hors du commun : Marie Bashkirtseff est une artiste peintre, sculptrice et diariste d'origine ukrainienne. Elle naît en 1858 à Gavrontsi dans le gouvernement de Poltava alors rattaché à l’Empire Russe et aujourd’hui en Ukraine. Elle est issue d’une famille aristocratique provinciale de l’union de Constantin Bashkirtseff, seigneur de Gavrontsi et de Marie Bababine. Marie Bashkirtseff reçoit dès l’enfance une éducation artistique et littéraire raffinée. Elle est notamment initiée au dessin et à la peinture. En 1870, elle part avec sa famille en voyage à travers l’Europe. Les revenus du domaine agricole sont administrés par l’oncle maternel de Marie et son épouse et permettront en partie de financer la famille en exil. La famille voyage à Vienne, Baden- Baden, Genève, Munich, l’Italie, Paris et s’installe à Nice où une importante communauté Russe réside depuis les années 1850. Marie Bashkirtseff commence à tenir son journal presque quotidiennement à partir de 1872. Ses écrits qui seront publiés de manière partielle après sa mort renforcent grandement sa célébrité. Elle partage dans son journal ses observations sur le monde et sur elle-même révélant une personnalité sensible, passionnée, précoce et à la recherche du succès. Dès 1873, Mademoiselle Bashkirtseff sait qu’elle souhaite s’orienter vers une carrière artistique. Elle affectionne tout particulièrement la peinture, la musique et le chant et dispose à Nice d’une salle d’étude et d’un atelier pour ses travaux d’apprentissage. Elle y reçoit les cours de dessins de François Bensa et de Charles Nègre. Ses désirs premiers de devenir cantatrice sont toutefois contrariés par des enrouements continuels ainsi que des problèmes de laryngite chronique qu’elle soigne lors de multiples cures, prémices de la tuberculose qui l’emportera prématurément à l’âge de 25 ans. Pendant quatre années Marie Bashkirtseff et sa famille mènent une vie cosmopolite à travers l’Europe. Lors d’un séjour à Rome, elle reçoit les cours de Wilhelm Kotarbiński ; cette expérience la marquera fortement. En 1877, après un séjour à Paris, Marie Bashkirtseff décide de s’y établir. Ayant perdu sa voix de mezzo-soprano elle décide d’embrasser une carrière professionnelle de peintre. Les années de formation d’une femme peintre : Marie Bashkirtseff s’inscrit le 26 septembre 1877 à l’Académie Julian et y reste sept années durant jusqu’à son décès en 1884. L’Académie Julian est une école privée de peinture et de sculpture fondée par Rodolphe Julian et sa future épouse Amélie Beaury-Saurel à Paris et située au passage des Panoramas. Les grands noms de la peinture tels que Pierre Bonnard, Maurice Denis, Henri Matisse ou encore Fernand Léger y firent notamment leurs débuts. L’Académie Julian est l'une des rares institutions qui acceptent les femmes à cette époque. Des inégalités perdurent pour l’accès à la formation artistiques des femmes. Les femmes sont en effet exclues de la formation artistique d’État dispensée par l’École des Beaux-arts de Paris. Les cours théoriques leur sont accessibles à partir de 1897 et elles devront l'attendre 1900 pour y déposer de deux ateliers non mixtes de sculpture et de peinture. Engagée pour la lutte du droit des femmes, Marie Bashkirtseff déplore cette inégalité et s’engage pour la défense de l’accès des femmes à la formation artistique d’État. Elle signe un article sous le pseudonyme de Pauline Orell dans le journal féministe La Citoyenne fondé par Hubertine Auclert : « On voyait l’École des beaux-arts. C’est à faire crier. Pourquoi ne puis-je pas étudier là ? ». L’Académie Julian dispense un enseignement de qualité et demeure l’une des seules institutions à enseigner aux élèves femmes le dessin d’après le modèle nu féminin et masculin (les modèles masculins portaient en réalité un pagne dans l’atelier des femmes). Marie Bashkirtseff réalise en 1881 le célèbre tableau L’Académie Julian qui dépeint une séance de pose dans un atelier pour femmes, rare témoignage de cette organisation. Elle décrit dans son journal l’organisation de ses journées d’étude à l’Académie Julian travaillant quatre heures le matin et quatre heures l’après-midi et recevant les corrections et appréciations très encourageantes de ses professeurs Rodolphe Julian et Tony Robert-Fleury. Marie Bashkirtseff relate dans son journal les critiques stupéfaites d’enthousiasme de Rodolphe Julian à la découverte de ses travaux : « Mon esquisse était la plus avancée. [...] je dois vous annoncer que M. Julian et les autres ont dit à l’atelier des messieurs que je n’avais ni la main, ni la manière, ni les dispositions d’une femme, et que l’on voudrait bien savoir si dans ma famille j’ai de qui tenir tant de talent et de force, de brutalité même, dans le dessin et de courage au travail. »2 Personnalité passionnée, ambitieuse et talentueuse la peinture devient sa raison de vivre. Douée d’un fort esprit de compétition, elle se positionnera en concurrente de Louise Breslau, son ainée, également élève au sein de l’Académie Julian. Marie Bashkirtseff se forme également en arpentant les galeries du Louvre et des musées européens pour étudier et se confronter à l’exercice de la copie d’après les maîtres anciens. Toutefois, elle déplore que l’accès au Louvre soit exclu aux femmes non accompagnées. Elle déclare dans son journal : « Ce que j’envie, c’est la liberté de se promener tout seul, d’aller, de venir, de s’asseoir sur les bancs du jardin des Tuileries et surtout du Luxembourg, de s’arrêter aux vitrines artistiques, d’entrer dans les églises, les musées, de se promener le soir dans les vielles rues ; voilà ce que j’envie et voilà la liberté sans laquelle on ne peut pas devenir un vrai artiste. Vos croyez qu’on profite de ce qu’on voit, quand on est accompagné ou quand, pour aller au Louvre, il faut attendre sa voiture, sa demoiselle de compagnie ou sa famille ? Ah ! cré nom d’un chien, c’est alors que je rage d’être femme. » Elle se lie avec le peintre naturaliste Jules Bastien-Lepage, dont elle admire l’œuvre. Le célèbre tableau Un Meeting, conservé au Musée d’Orsay, dépeint dans la lignée de son mentor, des enfants des rues et témoigne de son regard humaniste. Marie Bashkirtseff lit Zola et Balzac et s’engage dans la représentation de scènes naturalistes et de sujets en plein air. Peindre la figure humaine : une rare caricature à l’huile de son professeur Rodolphe Julian Marie Bashkirtseff réalise ici une caricature de Rodolphe Julian, peintre, professeur et directeur de l’Académie Julian. Rodolphe Julian est représenté assis sur un tabouret haut d’atelier, la main posée sur sa jambe droite restée en suspens. De forte stature, trapu, son apparence est à la fois saisissante et impressionnante. Il est caricaturé de face, le regard noir et pénétrant, un long nez pointant vers le bas. Les sourcils relevés décuplent la profondeur et l’intensité du regard. Les lèvres rouges et charnues paraissent sous la moustache et la barbe. Les pommettes sont saillantes et rougies. Rodolphe Julian est caricaturé ici en qualité de professeur et figure d’autorité. C’est l’œil vif et perçant du professeur qui dirige la formation artistique qui est mis en évidence. Une hiérarchisation de l’espace apparait. Le professeur, occupe la quasi-totalité de l’espace du panneau tandis que la figure de l’enfant ou de l’élève, en haut à gauche, occupe un espace restreint. L’enfant est représenté de face également, le regard baissé en signe d’écoute et de respect. Il est possible que Marie Bashkirtseff se soit ici auto-caricaturée en figure d’enfant élève, à la même hauteur que son professeur. Cette figure d’enfant ou de jeune élève rappelle le tableau Enfant souriant, volet de gauche du triptyque Trois sourires, conservé au Musée Russe de Saint- Pétersbourg en Russie. La figure de Rodolphe Julian quant à elle est à rapprocher de l’œuvre Deux têtes d’étude conservée Musée des Beaux-Arts Jules Chéret de Nice. L’art de la caricature est exercé par les élèves de l’Académie Julian en dehors des cours. Il s’agit de laisser libre cours à son imagination et à sa créativité, à exagérer et charger les traits physiques ou de personnalité dans un esprit de camaraderie ou de rivalité au sein de l’atelier. Les élèves prennent un intérêt particulier à se caricaturer entre eux et à caricaturer leurs professeurs, en atteste la caricature au crayon réalisée par une peintre non identifiée représentant Rodolphe Julian assis et tassé sur un tabouret haut d’atelier. Marie Bashkirtseff est une élève et camarade capricieuse, fière et déterminée. L’attention particulière que Rodolphe Julian lui porte a donné naissance à des caricatures réalisées par des camarades, en atteste la caricature de Louise Breslau qui représente Rodolphe Julian dansant, riant et félicitant Marie Bashkirtseff pour ses travaux. Cette rare caricature d’atelier exécutée probablement vers 1878 révèle la puissance d’exécution et le talent de Marie Bashkirtseff, jeune élève de l’Académie Julian. À travers cette caricature transparait déjà la passion de Marie Bashkirtseff pour la représentation de la figure humaine. Elise Vignault
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